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[CH1617:001]
CONSTANTINI HUYGENS ODE. AD PATREM,
CALEND. IANUARIIS MDCXVII

Rediit bifrons ancipitis Dei
Dies, dierum prima, sed ultima,
Prima instantis, et ultima lapsi,
Utriusque eadem terminus anni,
(5) Nota nepotibus, aspiciens avos.
Quo properatis lubrica praepetis
Vectura Dei tempora, tempora?
Vix pueri sumus et cluimus viri,
Vix invenes sumus et cluimus senes,
(10) Vix modo nascimur incipimus mori.
Adeone omnes, quotquot in istis
Animam terris ducimus, uno
Ferimur curru rapimur cursu?
Adeon’ pariter tecta potentum
(15) Pariterque humiles, Parca, feris casas?
Nec te probitas, divitiae, genus,
Nec te pietas, relligio, decus,
Ferrea, sistunt? heu nimium probis
Saeva, vel improbis
(20) Mitia fata!
Tu quoque rerum summa mearum
Cura, Pater, quo nec variabilis
Metuam Divae sospite casus,
Quo nec Iberi fugiam comite
(25) Militis ensem, nec supremam
Subiisse graver Patriae lucem,
Tu quoque (deficit infortunii
Nuncia nostri lingua loquentem)
Aliquando tuos, quamlibet aegro
(30) Pede divulsus, linques, heu heu!
Nunc tua gaudia, nunc lusus tuos,
Connubialis dilecta tori
Pignora natos.
Aliquando istaec, quae propriis ego
(35) Praefero, summae lumina noctis
Tenebrae claudent, et sua felix,
Qua descenderat ante, reviset
Spiritus astra.
Quid tibi tunc, miserande Puer,
(40) Animi reris fore, cum mille
Repetes tecum basia, repetes
Queîs privabere tunc amplexus?
Quis tua tum, quis Carmina candidus
Avidâ lector corripiet manu?
(45) Quis juvenilibus annuet ausis?
Cui tum Citharae pulsata fides
Tremulo perstrepet aëra cantu?
Cui modulamina, cui vaga Barbiti
Plectra volabunt?
(50) Ibis in avia luctibus obrutus,
Fugies patrios Patre nudatos
Exul propriâ sponte Penates;
Qualis viduum prole fugatâ
Fugiens nidum Daulias arduâ
(55) Gemit ereptos arbore pullos;
Fugies Batavûm conscia tanti
Littora damni.
Flumina, pontum rate trajicies
Forsitan ad Garamantas, ad Indos;
(60) Quid proficies? flumina, pontum
Tecum tute feres lachrimarum:
Sequitur ventis ocyor equitem
Sequitur peditem cura pedissequa:
Omnia desere, te non fugies
(65) Unus ubique.
Quo ruis heu! nimium terrenis
Presse doloribus, anxie curis?
Quo ruis impie? pudeat victi
Luctibus animi; Quin tu turgida
(70) Sursum potius lumina tolle,
Erige quem Natura erectum
Iussit sidera cernere vultum,
Eripe te tibi, feriant superas
Carmina sedes.
(75) Maxime rerum Conditor ac Parens,
Et tu soboles maxima maximi
Christe Parentis, Pater orborum,
Columen miseri, patria profugi,
Quem nihil usquam latet abstrusum,
(80) Qui praesentia, prisca, futura
Concipis uno saecula puncto,
Cui nascentis, cui modo nati,
Ante expansos aetheris Orbes,
Ante creati saecula mundi,
(85) Patuere anni, constitit aetas;
Cum praefixae terminus horae
Venerit, et tu quem dederas Patrem
Ad caelestes, tua regna, domos
Revocare voles, cum lachrimarum
(90) Rite piandis non sufficiet
Luctibus jmber, simul impositum
Patienter onus tolerare doce;
Eadem plagas, eadem medicum
(95) Dextera conferat, una dolores
Una solamen.
O felices bis, ter, et amplius
Queîs munito pectore contigit
Expectatum subiisse malum,
(100) Non quod miseros ante miseriae
Iuvet esse diem, sed praeuiso
(Si tibi, Sophiae, credere fas est,
Inclyte mystes) venit a telo
Mollior ictus.



[CH1617:002]
L’AMOUR BANNY
J’alloye enveloppé de dix mille pensées
Sur dix mille subjets doucement esgarées,
Repetant le passé, prevoyant l’avenir,
L’un par crainte ou espoir l’autre par souvenir,
(5) Quand, me trouvant seulet esgaré en campagne
Je m’assis a l’abry, au pied d’une montagne,
Ou l’envie me print d’entendre les discours
D’une hostesse des bois, qui s’y trouve tousiours
Et jamais ne s’y trouve; a qui les miserables
(10) Adressent tous les jours leurs propos pitoyables,
L’un contant ses amours, l’autre les maudissant,
Le troisiesme d’entre eux seul sage s’en riant,
L’un demandant conseil, l’autre luy faisant dire
La cause, le progres, la fin de son martire.
(15) Chacun à son besoing l’allant entretenir,
Chacun pensant son mal preveoir et prevenir.
Pour moy, je n’avois pas, Dieu mercy, ni maistresse,
Ni beau jour, ni beaux jeux, ni dame, ni Deesse,
Qui me donnast subiet de plaintes ou de pleurs;
(20) L’opiniastreté, les feintes, les rigueurs,
D’une femme indiscrete, infidelle, ou cruelle,
Ne me troublerent pas le coeur ny la cervelle.
Les feux envenimez du grand maistre des Dieux
Ne m’avoyent pas rendu esclave de deux jeux,
(25) Rien, rien de tout cela. Seulement j’eux envie
D’entendre les travaux, le trespas et la vie
De ces povres resveurs, ces amoureux enfans,
Qui perdent en amour leurs escus et leurs sens,
Et leurs beaux ans et tout; affin que leur naufrage
(30) Me servit de patron, d’exemple et de presage,
Tandis que mon navire au rivage attaché
N’est encor de ces flots (Dieu m’en garde!) agité.
    Je m’approche environ a vingt pas d’une grotte
Voutée tout au tour et d’espine et de motte,
(35) M’arestant sur ce lieu, je vay crier ainsy,
Echo! ton vray logis n’estce pas cestuy cy?
On respond, C’est icy, sur cela je m’asseure
Que c’est la justement ou la nimphe demeure.
    Or, Belle s’il te plaist que j’aille par escrit
(40) Deduisant les propos que la Sage me fit,
Je le veux bien aussy, les voycy pesle-mesle,
Sans ornement, sans fard, sans, Dis-ie, sans, Dit elle.

Echo, s’il est ainsi que iamais tu ne ments,
Parle un peu avec moy, si ie vien bien à temps. Attens.
(45) Facheuse que dis tu, que veux tu? que i’attende?
Non, non ie n’attens point; respons à ma demande. Demande.
Je te viens requerir conseil en un seul poinct;
Doy-ie suivre l’enfant qui la ieunesse poinct? Point.
Tu me respons que non en respect de mon aage,
(50) Quel dommage faict-il à un ieune courage? Rage.
C’est pour nous envoyer bien tost aux trespassez,
Ouït on bien iamais, qu’il en ait terrassez? Assez.
N’oseroy ie pourtant me fier à ce maistre?
Si l’un y est trompé, chacun ne le peut estre. Peut estre.
(55) Ton Peut estre douteux me rend douteux aussy:
As tu de cest enfant tousiours du mal ouy? Ouij.
Ne me dis rien, Echo, qui sente ses mensonges,
Te mocques tu de moy, ou me conte tu songes? Tu songes.
Ie songe? non pas, non. Si n’enten-ie de faict
(60) Ni ne croy, qu’en un Dieu tant de malice y ait. Si est.
Habitant en un coeur, qu’est-ce qu’il y engendre?
Vous rend il courageux? fay le moy tout entendre. Tendre.
Ie n’ayme pas cela, mais dy-moy Nimphe-voix,
Il n’a pas, que ie croy, aucun pouvoir es boix? Voire es boix.
(65) Grans Dieux! et qu’est cecy? ne s’en peut on defaire?
Et n’y a il moyen de luy faire la guerre? Guere.
N’y auroit il espoir de pouvoir l’attraper?
Sur quels lieux se tient il, à seurement parler? Par l’air.
O l’inconstante humeur! Mais encor, ie te prie,
(70) Nous brasse il du mal quand bien sa face rie? Facherie.
La Mere de ce Dieu inventeur des appats
C’est un coeur, comme luy, volage, n’est ce pas? Hola! ie ne sçaij pas.
Ne sçays tu pas cela? si dit on apres elle
Qu’elle est à son mary, son Vulcan infidelle. Elle?
(75) En doubtes tu? Hola! ie me retire moy,
Je voy bien maintenant, tu n’es pas seure toy. Asseure toy.
Comment? tu ne scais pas qu’elle est si prompte au change?
Retournons au propos du feu qui nous demange. Et mange.
Dis moy donc en un mot, suivray-ie le brandon
(80) Amy de Iupiter, ennemy de Iunon? Non.
Mais, pour ne donner place à ceste folle rage
Quel moyen y a-il? dij-moy nimphe tres sage. Estre sage.
En fin voyla le vray: ie sorts donc de ce lieu,
Ce remede me plaist; laissons le reste à Dieu. Adieu.

(85) Ces propos achevez, que veux ie d’avantage?
Je poursuy mon chemin, je quitte le boscage:
Remachant à touts coups ma derniere leçon.
    Estre sage? (disoy-ie) et de quelle façon?
He! pour Constantin tu n’as pas la cervelle
(90) Tu n’y as pas l’esprit; qu’un plus expert s’en mesle.
La sagesse, c’est bien l’antidote certain
A ces traits venimeux, helas! mais c’est en vain
Si tu crois l’obtenir, avant qu’une couronne
De neige decrepit ce cerveau t’environne,
(95) Scylle et Charibde en mer ressemblent à cela,
Pour s’en garder il faut estre passé par la.
C’est le tard repentir, c’est l’age et le dommage
Qui te feront sçavoir ce que c’est d’estre sage.
    Ce fascheux desespoir m’alloist accompagnant
(100) Jusqu’ à dans mon estude, et non pas plus avant.
    Qui fustce, direz vous, qui te mist en la teste
Ce changement soudain? la response y est preste.
Deux ou trois doubles rangs de liures bien garnis
Sont ils pas suffisants a vous changer d’advis?
(105) L’imagination tout expres me faict croire
Que touts ces messieurs la sont gens de robbe noire,
Qui pour me faire part de leurs arts et sçavoir
Tres liberalement me vienent recevoir.
Or jugez maintenant si en telle assemblée .
(110) La pensée d’amour n’est pas bien adressée?
Je vous puis asseurer que les plus amoureux
Y trouveront de quoy se dessiller les jeux.
Les plus escervelez, les plus lourds, les plus bestes
Y trouveront heureux leurs medecines prestes,
(115) Les plus effeminez, les plus enfans d’Amour
Y verront mieux de nuict, qu’ auparavant de jour.
    Me voyla donc esmeu des la premiere entrée
A changer de propos, d’avis, et de pensée,
Je bannis hors de moy le traistre Cupidon
(120) Avec flames, carquois, arc, flesches et brandon,
Sur peine, si jamais il entrast dans mon ame,
De l’en faire sortir, au trenchant de ma lame,
Lame non pas d’acier trempée au meilleur choix
Comme nous en faict part l’artisan Iberois,
(125) Mais Lame de papier, destrempée en doctrines,
Lame, ennemy juré de l’amorce Ciprine.
Or pour mieux tesmoigner et de mains et de voix
La resolution, que reprise j’avoys,
N’estre point temeraire, ou de peu de durée
(130) Mais des-lors pour jamais en mon coeur arrestée,
Sus dix je, sus mon luth, toy qui de mon soucy,
Si j’en ay, as ta part, et de mon aise aussy
Toy qui parfaictement scais donner à cognaistre,
De l’humeur bonne ou bien mauvaise de ton maistre,
(135) Entonne maintenant un air qui à la fois
Tesmoignant de son coeur se marie à sa voix.
    Si tost dit si tost faict, seulement je le touche;
Touchant, voijcy ces mots m’escoulent de la bouche,
Mots qui sur ce subjet vindrent tres bien a point,
(140) Dieu vueille que jamais je ne les change point!

Air.
En fin voyla que c’est d’Amour,
Pleurer, souspirer nuict et iour,
Suivre une beauté inconstante,
Adorer une humeur changeante;
    (145) Et puis mes ans perdus,
    Mes sens et mes escus.

Apres avoir aymé dix ans,
Subjet a mille mesdisans,
La proye si longtemps suivie
    (150) Un aultre vous aura ravie;
    Et puis etc.

Suive l’amour qui que voudra,
Mon coeur point ne se resoudra
(155) Iamais a ceste Phrenesie,
Pour y emprisonner sa vie;
    Employons mieux nos ans,
    Nos escus et nos sens.
Fin.



[CH1617:003]
Belles perfections, merveilles de nostre aâge,
Si dix iours employez en un petit voyage
S’alongent maintenant d’un ennuy maladif,
Envieux de mon bien, importun, et retif,
(5) M’empechants d’accomplir ma promesse premiere,
Iugerez vous pourtant ma parole legiere?
Si ie ne viens vous veoir comme par cy devant
Iugerez vous pourtant que ie suis nonchalant?
Helas! ie n’en peux mais. ce n’est pas nonchalance
(10) Ce n’est pas legêrté, ce n’est pas inconstance.
Un catharre causé par le froid que ie pris
Assis au chariot a travers un pertuis,
M’altere tout le corps, voire et si fort m’accable
Qu’il m’atache à la couche. En suis-ie moy coulpable?
(15) Vous sçavez que tout homme est subiet à celà,
Que la douce santé se recognoist par là,
Ainsy que le beau temps succedant à l’orage
Ainsy que le soleil depouillé du nuage,
Ainsy que la chaleur, sur un extreme froid
(20) Quand en un mesme instant l’un et l’autre on reçoit.
    Recevez donc en gré mon excuse equitable,
Et ensemble ces vers, qu’un humeur agreable
M’escoulant du cerveau comme avortir me fist,
Quand en chaleur de fiebure estendu sur mon lit,
Pour tromper mon ennuy d’une ou d’autre besoigne,
(25) Je me mis à rimer, comme l’effet tesmoigne.
    Vostre, en tout, et par tout, pour jamais et sans fin,
    Serviteur, Camerade, et Berger,
                                                        Constantin.



[CH1617:004]
(A SABINE DE LIERE)
Si le traict mal poli d’une plume grossiere
A souillé le beau blanc de ton joly livret,
Belle, que de ses dons le Ciel fit heritiere,
Je te prie, auras tu a desdain ce forfaict?

(5) Non, je ne croy jamais que la discretion,
En la quelle tu pris, qui en toy prist naissance
De mon humble debvoir face presomption
Et puis temerité de mon obeissance.

Laisse moy donc l’honneur d’une fueille embrouillée;
(10) Ie feray que mon Luth, en faveur de ton nom,
Resonnant pour jamais de La Bien Desirée
Eternise le los, desploye le renom.



[CH1617:005]
1.
Si de mes vers en apparence
Le son, la rime, la cadence,
Belle, ne porte rien d’égal
Aux doux Adieux que vous me dites,
(5) Adieux qu’au partir vous me feites
Pour me le rendre plus fatal,

2.
Ne croyez pas que vostre absence
Me cause autant moins de souffrance,
Que je suis propre à m’exprimer,
(10) Mais bien que, si mes vers vous cedent,
Les regrets de bien loin precedent
Ceux dont il vous plait m’honorer.

3.
Je n’ay pas ni la suffisance,
Ni l’air, ni la douce eloquence
(15) Qui nous force à vous admirer,
Et quand je l’aurois toute entiere
La douleur seroit bien legiere
Qui ne m’empeschast le parler.

4.
Il ne me reste dans la plume
(20) Rien que le viel mot de coustume
Pour vous rendre cent mille Adieux.
Adieu agreable Princesse,
Ne dites pas que je vous laisse
C’est vous qui fuyez nos beaux lieux.

5.
(25) Païs de Gueldre je t’envie
Mon soleil, mon bonheur, ma vie,
Je vous envi lieux estrangers
Que vous parlerez en presence
A qui je n’auray accointance
(30) Qu’à la merci des messagers.

6.
Adieu la ioye, Adieu la dance,
Adieu mille ieux de plaisance,
Adieu mille riants discours,
Adieu Sonnets, Adieu Ballades,
(35) Adieu Chansons, Adieu Aubades,
Adieu les plus beaux de nos jours.

7.
Adieu sejour desert et sombre,
Ville de Delf, tu n’es qu’un ombre,
Et ne soulois estre qu’un jour,
(40) Adieu, ta clarté coustumiere
Te fait ecclipse de lumiere,
Bien qu’à promesse de retour.

8.
Adieu Marie le modelle
D’une essence surnaturelle,
(45) Adieu amiable entretien,
Adieu paragon de nostre aage,
Donnez moy vostre coeur en gage
Je vous feray present du mien.
Leydae. Mart. 25.



[CH1617:006]
HUICTAIN
Par le commandement de Bacchus, et ses loix
Nous avons festoyé d’enfans une grand’ somme,
Mais vous, noz conviez sachez hardiment comme
Vostre Adieu ne se faict iamais sans force croix.
(5) Doncques il n’est besoin pour la seconde foix
(Enfans trois foix croisez) d’en demander au prestre,
Comme cela se voict observer en ce mois,
Car vous en avez plus qu’il vous en sçauroit mestre.



[CH1617:007]
LARMES SUR LA MORT DE FEU MONSIEUR MAURICE
DE NASSAU: QUI MOURUT à LA HAYE LE 5. DE IUIN 1617.

1.
Allez mondaines esperances
Allez trompeuses apparences,
    Je ne me fie plus en vous,
Allez la gloire de ce monde,
(5) Puisque sur nous la terre, l’onde,
    Le Ciel decoche son courroux.

2.
Nature a changé de methode
Il n’y a plus regle ni mode
    Que ne renverse le destin,
(10) Il n’y a plus de difference
Entre origine et decadence
    Entre le principe et la fin.

3.
Ieunesse vigoureuse et fiere
Qui ne fais qu’entrer en carriere,
    (15) Trousse bagage, il faut partir,
Il n’y a moyen de poursuivre,
Si desormais avant que vivre
    Il faut commencer à mourir.

4.
Il est mort l’honneur de ta bande
(20) Maurice l’espoir de l’Hollande,
    Maurice l’heritier promis
Des vertus d’un plus grand Maurice
Prince que le Ciel plus propice
    Honora d’un si digne fils.

5.
(25) Il est mort et la Parque sombre
Ne nous fait grace que de l’ombre
    D’un astre jadis sans pareil,
Qui nous empechera de suivre
Celuy que nous pourrons survivre
    (30) S’il se peut vivre sans soleil?

6.
Grande esperance d’un grand Pere,
Cher soulas d’une chere Mere
    Te voila pour saouler les vers,
Fumée d’une belle flame
(35) Te voila chargé d’une lame
    Le triste subjet de mes vers.

7.
Le monde a peu de sympathie
Qui jugeant de ta maladie
    Peste la nomme sottement.
(40) Helas! la chose est manifeste
C’est un mal pire que la peste
    Qui nous apporte ce tourment.

8.
Les flots les plus hauts se r’abbaissent,
Les douleurs les plus grandes cessent,
    (45) Le temps allege touts ennuis,
Les nostres croistront au contraire
Quand, helas! quand la mort d’un grand Pere
    Nous fera desirer le fils.

9.
Pour nous consoler on apporte
(50) Que d’avoir la mort à la porte
    C’est la misere de ça bas;
Mais qui nous fermera la bouche
Si on nous ravit dans la couche
    Ce qui se devoit aux combats?

10.
(55) Desia l’Espaigne fut attainte
D’une plus qu’ordinaire crainte
    Ayant ouy courir le bruit
Que le Ciel promettoit lignée
Au grand Mars dont la renommée
    (60) De l’un à l’autre Pole bruit.

11.
Ou sont, Minerve, ces trophées
Ou ces victoires asseurées
    Que tu chantas à ce berceau?
Faut il que ces grandes promesses
(65) Noyées dessoubs nos destresses
    S’estouffent dedans un tombeau?

12.
Desia les plumes plus coulantes
Desia les langues mieux parlantes
    Desia les plus heureux esprits
(70) Avoient la belle heure attendue
Qu’il faudroit corner par la nue
    Heureux Pere d’un heureux fils.

13.
Maintenant que ces Epigraphes
Changent leurs noms en Epitaphes
    (75) Maintenant qu’un clin d’oeil de Mort
Fait entendre à la populace
Que le plus annobli de race
    N’est exempt du fatal effort,

14.
Maintenant que pour nostre offence
(80) Le Ciel nous chastie et nous tance,
    Nous oste de devant les yeux
Le bonheur et la jouïssance
D’un bien que la perte et l’absence
    Nous iront faire estimer mieux,

15.
(85) Voila ces grands esprits en peine
Voila tout le monde hors d’haleine,
    Le mal nous touche de trop pres,
Helas! la suite de nos carmes
Ne sçauroit egaler les larmes
    (90) Que nous demandent nos regrets.

16.
Moy le dernier des moins habiles,
La plus vile ame des plus viles,
    Le plus abbatu des plus bas,
Suivray-ie les pistes fatales
(95) A quoy nos plus fameux Dedales
    Confessent de ne suffir pas?

17.
Muse qui m’enfles le courage
D’une inconsiderée rage
    Cesse d’escalader les cieux
(100) Bien que l’ambition t’appelle,
Ne vas pas mesurer ton aisle
    A la portée de tes yeux.

18.
Arreste donc foible courriere
Voicy le bout de ta carriere,
    (105) Trousse ton vol mal-asseuré,
Si le mal ne se peut escrire
Si la douleur ne se peut dire
    C’est assez fait d’avoir pleuré.
Fin.
Leydae, 21°. de Juin.



[CH1617:008]
EreptI patrIIs properantIa fata trophaeIs
    MaVrItII pLangIt BeLgIa, rIDet Iber.



[CH1617:009]
ACADEMIAE SACRUM
Et jam Leida Vale: Patrias revocamur in oras,
    Leida vale, patrio dulcior una solo.
Hactenus alma tuo pendemus ab ubere mater,
    Portio Pallady quantulacumque tui;
(5) Hactenus est doctis patulam dare vocibus aurem,
    Hactenus est avido condere verba sinu,
Hic ubi Cecropias, Flandro praecone, per arces
    Cornelius Tacito desiit ore loqui.
Nunc alio trahit aura ratem: nunc altera mentem
    (10) Cura premit: Quae, quae meta laboris erit?
Te sequimur, sequimurque tuas mox, Curia, lites,
    Curia curarum Mater, alumna, penus;
Pulpita, Rostra, Forum, Sententia, Causa, Clientes,
    Nomina erunt studys non aliena meis.
(15) Heu! veterem subito mutatam nomine vestem,
    Heu! cito Pieriis laurea fixa jugis,
O mea, sed quondam, faciles in vota Camaenae,
    O mihi Thymbraei numina culta Dei!
Ecce ego, sed tenerâ vix obrepente juventâ,
    (20) Eripior sacris Turba sacrata tuis;
Eripior, nec sponte feror; nec transfuga dicar,
    Nec tibi perfidiae criminis esse reus,
Quos modo per Patriam licuit, tibi trivimus annos,
    Quod superest aevi vindicat Haga foro.
(25) Sic tibi, sic, veneranda Cohors, damus ultima verba,
    Relliquias prisci verba caloris habe.
Ne neger Aonios aegro pede linquere fontes,
    Ne neger invitus dicere, Leida Vale.
Scrib. Lugd. in Batavis. Kal. (1) Iun.



[CH1617:010]
CONCORDIA DISCORS. ODE
Ilicet, partae Batavum quietis
Taeduit Civem; pudet otiosae
Desidem gentis, pudet et beatae
    Ducere nomen.
(5) Quisquis ingenteîs animo triumphos
Exterum volvis, quibus inter altas
Verticem, vel tunc miseranda, fixit
    Belgica nubes:
Quisquis indignum Populo subacti
(10) Reris Hispani domitore festâ
Cassidi natos redimire laetum
    Fronde capillos:
Heu! parum nostris agitate turbis,
Heu! parum nostris tepefacte, felix
(15) Arbiter, flammis; age, bellicosam
    Excute gentem.
Fervet, externo vacuum timore,
Belgium rixis; metuenda plebi
Convolat plebes, bene ferre magnam
    (20) Nescia sortem.
Heu quis insani facilem furoris
Arguat motum, speciosa turbis
Causa quaesita est Pietatis olim
    Tincta colore.
(25) Qualiter, quot, quem Deus, ante structi
Machinam mundi, bonus aut saluti,
Iustus aut poenae voveat perenni,
    Fabula vulgi est.
Quatenus, cui se velit imputari
(30) Passa pacandi Soboles Parentis,
Sustinet supra crepidam peritus
    Quaerere sutor.
Quid boni, quid non vitiata primi
Labe peccati teneat voluntas,
(35) Quanta libertas animo renato,
    Faemina certat.
Numquid Electos gemino vocari
Constat attractu, dubitante lixâ
Asseret messor, molitor negabit,
    (40) Solvet agaso.
An vel infernas dubio futuri
Fas sit Electo trepidare flammas,
His comessator fugat otiosas
    Aulicus horas.
(45) Ille Divino super Orbis orbem
Vectus afflatu, Sophiae sacratae
Sanctior Mystes stetit, et regessit
    O Homo! quis tu?
Hic per abstrusas Pietas latebras
(50) Quaeritur; qua se perhibet videndam
Spernitur; doctae pietatis una et
    Maxima laus est.
Hinc furor sanae rationis expers
Concitat caeco populum tumultu,
(55) Hinc acerbatos inimica scindunt
    Odia fratres.
Vidimus bello pavidum recenti
Belgium Hispanas trepidare fauces,
Qualis e saltu pavet irruenteis
    (60) Agna leones.
Vidimus pressam relevare junctas
Patriam vires; ubi tum simultas?
Exulat. Quid nunc? laniant beatas
    Schismata Terras.
(65) Tantus a ventis nimium secundis
Imminet ponti dolus imperito
Fluctuum Nautae: minitantur imam
    Summa ruinam.
Heu! nimis vento fruitum secundo
(70) Vulgus, undarum rude; quorsus extra
Quaeritur splendens pietatis ansa?
    Intus abunde est.
Nempe ceratis ope Daedaleâ
Niteris pennis; habitare tecum
(75) Nescis, ignarum tibi tute quam sit
    Curta supellex.
Diffluis luxu miseranda plebes,
Hoc age, et mores pia corrigendos
Cura castiget; rogo numquid istac
    (80) Parte labores?
Sen. Tantum nobis vacat? iam vivere, iam mori scimus?
Hag. Com. Prid. Cal. Octob. (30 Sept.)



[CH1617:011]
PARAPHRASTICUM
Emmers ’tbegint U dan in ’tleste te verdrieten
Den langh-gewenschten vred’, o Hollandt, te genieten.
    ’Tis dan zoo verr’ gebrocht dat ghy ’s U rekent schandt
    Langher genoemt te zyn ’tstil geluckighe landt.
(5) Ghy Vreemdelingh die gaet by U selfs overpeysen
Soo menich schoon triumph, zoo merckelycke reysen
    Daer Neerlandt door verhief gequetst, gebrant, gerooft
    Tot inder wolcken top ’t victorieuse hooft:
En seght dat ’t jammer is dat die strydtbare handen
(10) Die boven menschen hoop Spaengien wel eer vermanden
    Dus langhe leggen stil; dat een volck vol van moet
    In stede van ’t helmet den Laurier draghen moet.
O ombekende gast in ons verweerde saecken,
Geluckigh vreemdelingh die niet hebt connen smaecken
    (15) De hitte vanden brandt daer ’tVaderlandt af waecht,
    Comt en besiet ter degh’ hoe U ’tcloeck volck behaecht.
Nederlandt buyten vrees’ van uytheemsche gevaren
Steeckt binnen vol crackeels, ontroert syn eyghen baren,
    ’Tvolck synes voorspoets sat met een onstelt geloop
    (20) Soo verschrickt als gevreest loopt t’ samen over hoop.
En offer yemandt quaem die haer wilde verwyten
Dat sy met beuselingh tydt en moeyte verslyten
    Sonder weten waerom: d’antwoordt is langh gereet,
    Men heeft het stuck met schyn van heylicheyt becleet.
(25) Wie Godt, hoe en waerom voor aller eewen tyden
Der welverdiende straff genadich wil bevryden,
    Wie hy rechtveerdelyck in verdoemenis laet
    Tot grootmaeckingh syns naems, dat ’s nu allemans praet.
Hoe verr’ hem streckt de doot des Lams voor ons gestorven
(30) Wie door hem salicheyt, wie niet en heeft verworven
    De cloeckste syn’s oneens; maer soeckt ghy cort bescheyt
    Vraecht u Schoenmaker eens wat hy daer goets af seyt:
Wat vrydom ’smenschen wil geduerende dit leven
Sints der Erfsonden smet noch over is gebleven
    (35) Wordt seer gedisputeert: maer waer toe veel gekyfs?
    Gedraecht u voor het cortst aen een half dozyn wyfs.
Off Godt uytwendichlyck beroept syn’ uytvercoren
En inwendich met een, quam een trosboef te voren,
    Den boer antwoorde jae, den molenaer sey neen,
    (40) Den roscammer quam oick en hielpse over een.
Hoe een vercoren ziel mach leven hier beneden
Van haerder zalicheyt versekert en te vreden
    Dat’s maer een kindervraegh, die een jonck courtisaen,
    Al waer hy vol en sat, lichtelyck can verstaen.
(45) Dus trachtmen huydensdaechs door hoecken en door boecken
Naer de Godtvruchticheyt, niemandt en gaetse soecken
    Daerse haer selven toont, Godtvruchtich, maer geleert
    Boven al moet hy zyn die wil wordden geeert.
Buytens boeckx vroom te zyn dats niet eens weert om prysen,
(50) Cont ghy maer u vernuft boven ’tgemeyn doen rysen
    Hoe’t met u leven staet in schanden off in eer,
    Dats dan all even veel, men vraecht zoo verr’ niet meer.
Daer hebt ghy Vreemdelingh den gront onser ellende
Den oorspronck vanden haet die ’t landt stelt over ende,
    (55) Daer hebt ghy ’tschoon beghin vanden bitteren twist
    Die broeders onder een op malcanderen hist.
’Tis niet seer langh geleen, ’tstaet ons ouders noch voren
Hoe Nederlandt verdruckt weynich min dan verloren,
    Schrickte voor ’t Spaensch gewelt, gelyck als ’tschaepken beeft
    (60) Voorden tant vanden leuw die ’t onder handen heeft,
Maer ’theucht ons oick seer wel dat die benaude tyden
Gheen geschil, gheenen twist gheen scheuringh wilden lyden.
    Hoe verr’ is ’t nu van daer, hoe gaetmer nu met toe?
    Als ’t al in weelde leeff wordtmen de weelde moe.
(65) Soo vol peryckels is ’t plat voorden wint te varen
Voor Stuerluyden ter zee weynich off niet ervaren,
    Dat’s den ghemeynen loop des Werelts over al,
    Al wat op ’t hoochste staet schickt sich weer naerden val:
O ombevaren Volck! hoe hebben u die zeylen .
(70) Al te vlack voorden mast buyten streeckx helpen zeylen!
    Wat wil yegelyck dus de Godtvruchtichste zyn
    In ’t wterlyck gelaet? ’twaer beter elck in ’tsyn,
’Tis toch verloren moeyt, ’tsyn al Icari pluymen
Daer u de heete son de lucht om zal doen ruymen;
    (75) Wat leytmen opder straet malcanderen en quelt?
    ’Twaer beter ondersocht hoe ’t thuys al is gestelt.
Comt weelderighe Volck, leert eerst u selven kennen,
Leert hoovaerdy, leert pracht, leert haet, leert nyt ontwennen.
    Dat is het groote punt daer voor op dient gelet;
    (80) Ick vraegh yeghelyck eens oft hem daar niet en let?
Hagae 5°. Id. 8breis (11 Oct.)
Sen. Tantum nobis vacat? Iam vivere, jam mori scimus?



[CH1617:012]
TUMULTUANTI BATAVIAE,
PATRIAE CHARISSIMAE;
QUIA MATRI,
QUIA NUTRICI;
PATRIAE INFELICI,
QUIA
FELICITATIS PRODIGAE,
BENE AGERE
ET
CONSTANTER,
FAUSTIORE
ANNI INGREDIENTIS
QUAM LAPSI
AUSPICIO,
OPTAT, VOVET, APPRECATUR
C. H.
CIVIUM ULTIMUS
(IGNOSCE INVIDIA)
AMANTISS.mus
IPS. KAL. IAN.
MDCXIIX


Ille ego cui Patriae nuper civilia Civi
    Bella dedit Lyrico carmine Musa loqui,
Bella per Hesperios plus quam gratissima campos,
    Bella vel Hesperiis horridiora minis:
(5) Nunc alios paro mente modos: rea criminis edit
    Criminis ipsa sui Patria ferre notam.
Nunc alium quate Musa pedem; rediviva Decembrem
    Excipit, et clauso redditur orbe Dies,
Illa Dies gemino quondam celeberrima Iano,
    (10) Illa meo quondam carmine sacra Dies;
Nempe super Tropici dilapsus cornua Capri
    Cynthius Idalias fessus anhelat aquas:
Tympana tacta tonent, volucres tuba perstrepat auras,
    Psallite sacra novis Organa foeta modis,
(15) Iunge puellares Batavum speciosa choreas,
    Tolle levi facilem voce Iuventa pedem:
Sat furiis facibusque datum; fuge tristis Enyo,
    Cede per aeternos non reditura dies;
Redde Batava tuis niveam Concordia frontem,
    (20) Exulet irarum quidquid adusque fuit;
Indue pacatum commota Batavia vultum,
    Collige Concordi Tela soluta manu;
Desine mordaces ridenda fovere cachinnos
    Invidiae, turbas quae fovet atra tuas;
(25) Desine post tantos demens dubitare triumphos
    Hesperiae mâlis terror an esse jocus;
Desine devictae tanto conamine Genti
    Tradere victrices Tu tibi victa manus;
Desine surdastras opponere Regibus aures,
    (30) (Scilicet, et medicam despicis aegra manum:)
Desine (da veniam verbis, miseranda malorum
    Patria congeries, non nisi vera loquor)
Desine constanti per Iberica ferra, per ignes
    Sanguine signatam commaculare Fidem;
(35) Excute quicquid habent caecae fallacia noctis
    Dogmata, Doctrinae dogmata strata Novae.
Si tamen, ô aliquis, libeat Novitatis amanti
    Esse, licet: factum comprobo; prome virum,
Exue cum veteri veterum contagia morum
    (40) Pelliculâ, sic jam, sic novus esse potes;
Sic modo, sed gratâ Superis novitate novatus
    (Annue Rex Superûm) sic Novus Annus erit.
Propr. Id. (5) Decemb.



[CH1617:013]
AD PATREM, CUM IPSI QUERELAM BATAVIAE, CANTIONEM
HEXAPHONEN CAL. IAN. OFFERREM

Si Patriae dubius (quam Dii prohibete!) ruinam
    Intueor, lachrymas poscere visa fuit;
Si subit optatas referens optata Calendas,
    Carmina, concentum visa jubere dies;
(5) Si lubet in superas oculum convertere sedes,
    Torva iubent humiles fundier astra preces:
Hinc triplicem (nam sic Hollanda Tragoedia suades)
    Personam triplici munere functus ago.
Ploro, celebro, precor, Patriam, Dionysia, Divos,
    (10) Flente, sacrâ, geminâ, lumine, voce, manu.
Accipe ridenteîs, Rerum dulcissime, fletus,
    Cantanteîs lachrymas (vix mihi credo) damus.
Propr. Cal. Ian. (30 Dec.) 1617


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